Valkyrie versus Shinigami

En ce moment, grâce à quelques passionnés qui gardent accessibles les gloires du passé sur les plates formes du présent, je suis en train de découvrir Valkyrie Profile. Tous les g33ks vieillissant qui ont fait leurs armes sur la PS One ont au moins entendu parler de ce petit bijou. Parce que oui, pour un vieux machin comme ça, il a de la gueule, les décors sont une féérie de tous les instants. C’est pas vikings pour un sou, les costumes et les décors piochent plutôt dans le Moyen-Âge tardif européen, et dans la tradition japonaise (lol des pagodes au milieu des châteaux forts). Voire dans le moderne, comme ce (je crois) marchand d’esclave sapé comme un yakuza. Mais c’est assumé, et ça donne un cachet particulier au jeu. Et franchement, ça passe bien.

 Les combats fonctionnent au tour par tour mais sans les lourdeurs qu’occasionnent souvent ce type de jeu avec le moindre coup qui dure perpète pour cause de « je cours jusqu’à toi tu ne bouges pas je te tape et je retourne sagement me mettre en ligne quand la caméra sera revenue de ses tribulations alcooliques » et autres invocations qui détruisent l’univers à chaque fois. Vraiment, de ce point de vue, c’est un jeu qui a bien vieilli. Le pitch est simple : on y incarne une Valkyrie. Pour ceux qui ont joué à Max Payne (ou vu, paix à leurs âmes), ou encore les inconditionnels des opéras de Wagner (oui, toi qui lève le doigt au fond à droite, je suis content qui tu aies su apprécier les vieilles sagas norroises, mais calme-toi, après les gens vont encore croire que c’est un thread d’historien) le mot est familier.

 Les Valkyries (oui, faites votre blague. Ca y est, content ?) sont des envoyées d’Odin sur les champs de bataille qui sélectionnent les guerriers qui se battront pour l’Asgardr (en gros, les forces de l’Ordre) au moment du Ragnarok. Elles écrèment les rangs des morts et empêchent les meilleurs de partir dans le camp adverse, en fait. C’est là que Valkyrie Profile m’énerve. En fait, c’est l’interprétatio japanica (et alors ? Les latins connaissaient pas l’endroit, j’improvise) qui est faite des Valkyries. Ce ne sont pas des déesses de la mort. Les vikings (et la plupart des systèmes religieux indo-européens) n’ont pas de dieu de la mort. Ils ont un (ou plusieurs) dieu DES morts (L’Angku est une exception hors sujet, alors m’embêtez pas bande de sales trolls), ce qui n'est pas, mais alors carrément pas pareil.

 Alors que Valkyrie Profile assimile clairement Valkyrie et Shinigami (écoutez les trailers en version jap). Avec la médiocrité croissante de Bleach, j’ai cru que j’allais en faire une attaque d’apoplexie. Sans compter le savants mélange qui est fait entre les Nornes et les Valkyries. Toi gamer passé par God of War, revois-tu les trois sœurs du destin ? Ben c’est l’équivalent viking. Elles ont le même rôle : elles restent en retrait de  la plupart des histoires, et elles tissent les destinées de tous. Et rien n’est censé pouvoir les changer. Toi, lecteur lambda, tu t’en tamponnes l’oreille avec une babouche de ce que je raconte, hein ? Hur ! Hur ! Hur ! Valkyrie bonnasse taper monstre Hur ! Hur ! Hur ! Et bien je te dis merde.

Valkyrie Profile est un très bon jeu, qui sait se montrer subtil et touchant, mais ce mic-mac, (pas fondamental pour un sou, j'en conviens) qui traduit un manque de sérieux dans le traitement de son matériau mythologique, m'énerve. Et là-dessus, God of War arrive loin devant. En effet, à part le coup de raser un temple d’un dieu parce qu’on en sert un autre, c’est un jeu très grec dans l’âme. Et qui respecte le matériau mythologique (à peu près). Bon, un désert à côté d’Athènes c’est un peu folklo (mais pas plus que de faire  traverser l'Egypte en longeant le Nil ou la route de la soie en deux-trois heures dans Titan Quest), mais pour le reste, c’est relativement fidèle ; tout comme Loki, qui ne balance pas d’explication sentencieuse, mais le connaisseur y retrouve des éléments. Pas comme dans TQ où tout est jeté à la sauvage n’importe comment.

En fait, Loki et Titan Quest ont ça en commun, tout comme God of War et Valkyrie Profile: contrairement à Final Fantasy & Xenosaga beaucoup de jeux qui piochent des références religieuses à droite à gauche et les insèrent dans leur propre univers, leur monde se situe dans les temps mythologiques. Mais, là où God of War essaie de coller au monde grec (ou à l'idée que s'en fait le public) et où Loki s'efforce de respecter son matériau, Titan Quest et Valkyrie Profile jouent un jeu... dérangeant. Oui je sais tout le monde s'en fout, comme de l'Afghanistan avant le 11 septembre ou du Tibet avant les JO. Mais passons. Ce qui me dérange, c'est que d'une part il y a du respect du matériau que le jeu entend traiter (dans VP, la notion de destinée omniprésente, l'attente fataliste du Ragnarök, le choix des troupes à mettre en réserve pour la bataille, tout ça. Dans TQ... euh... Une partie du bestiaire, les décors, et la volonté assumée d'insérer le tout dans le monde mythologique), et d'une autre, le grand n'importe quoi (dans VP, la charte graphique, le mélange entre Norne et Valkyrie, l'insertion de trucs japonais, le syncrétisme Valkyrie/Shinigami, et dans TQ... Un peu de tout, mais surtout le fait que tout soit subodoré à la mythologie grecque, et que ça ne finisse pas dans l'après-vie babylonienne, dans le monde céleste chinois ou le monde d'Osiris, ou mieux encore, dans un délire syncrétique global)

Que les choses soient pourtant claires. J'aime bien les mélanges. Dans Valkyrie Profile, j'adore la charte graphique, et je trouve le mélange entre mythe nordique et look baroque (avec inévitables insertions japonaises lol) très réussi. J'aime bien le concept de Wild Arms. C'est le n'importe quoi qui entoure la nature des Valkyries qui me chiffonne. Pareil pour Titan Quest. J'y ai pas joué pour réviser ma cosmogonie, mais il y a des détails tellement énervants que Loki, de ce point de vue, par son respect de ce qu'il traite (et en mettant les mythes de différentes cultures sur un pied d'égalité), lui dame le pion sévère sur ce point précis. Même chose pour God of War, qui aurait pourtant pu se permettre d'être aussi précis que les peplums d'Hollywood.

Et pour vous récompenser d'avoir tenu jusque là, voici comment gagner à tous les coups une partie d'échecs:

Comments

[Anne]

Mouahahaha. Ton blog vaut le coup.