Dans cet article je ne parlerais pas d'Evil Twin
Vers 2004/05, c’était déjà évident. Aujourd’hui, ça l’est encore plus. Je pense à un temps que les frais émoulus du lycée n’ont pas vécu en direct, que les geeks et les gamers mainstream né avec la PS2 et les blockbusters n’on pas connu non plus dans toute sa splendeur. Une sorte d’âge d’or en accéléré, les années 98/01. Je suis arrivé moi-même au lycée en 99, c’est dire si ça date.
L’époque charnière du passage de la 2D à la 3D. Celle-là. Et dans le même temps, le passage des ambiances 90ies aux 00ies. Pour les cancres du fond, ce passage en Europe correspond plus ou moins au passage de dominantes SFFF tendance dark à des bidules beaucoup plus bon enfant. Voyez plutôt. Cette époque, c’est la grande période de Shiny : Sacrifice, Messiah, MDK. C’est la première apparition de Raziel dans Soul Reaver (même si l’univers de Legacy of Kain dont il est issu, sanglant et torturé quoique plus convenu, est né en 97). C’est là qu’on été édités Planescape, The Nomad Soul et Severance, c’est au début de cette période que Tim Schaeffer faisait Grim Fandango et à la fin qu’American Mc Gee a fait Alice. Au début aussi qu’est sorti le père des jeux de rôles post-apocalyptique : Fallout 2. C’est dans cette intervalle de quelques années que sont sortis Deus Ex et l’indétrônable Diablo II, que sont né Max Payne, Anachronox, Medievil, les univers pessimistes de Disciples et autres Heretic.
Pour les trucs un peu plus bon
enfant (mais avec des passages assez gores/sanglants quand même), c’est aussi
la naissance d’Half-Life, de Starcraft et la série des Gothic, dont certains
passages étaient bien plus angoissants que les passages assombris de l’Episode
1. Les plus consoleux d’entre vous évoqueraient les survival horror initiés par
Raynal en 92 avec Alone in the Dark suivis de Resident Evil avant la période
qui m’intéresse. C’est un peu le fond de commerce du jeu d’horreur de faire
peur, mais le glauque et malsain n’apparaît vraiment qu’avec Silent Hill, qui
lui tombe dans notre petit intervalle de quatre ans.
C’est aussi là que naissent Nitro
Family et les irrévérencieux Kingpin et GTA.
Passé ce petit florilège, je vais
me permettre une remarque : bien sur que oui il y a des jeux qui n’étaient
ni glauques ni barrés ni malsains à cette époque. Baldur’s Gate, Rayman (OMG
mais quelle horreur pour configurer la carte son), The Elder Scrolls, Descent
(même si on est déjà au troisième), Homeworld, les suites de Tomb Raider, Jedi
Knight, Unreal, et j’en passe.
En fait, ma vraie question, c’est
pourquoi ?
Evidemment que ce n’est pas tout
à fait vrai, mais des trucs aussi barrés, jusque vers fin 2009, y’en avait
quasiment plus. Bien sur que je ne les connais pas tous et qu’il y en a aussi
sur consoles. Mais un truc comme Fairy Fights tiens plus du délire Lapin Crétin
(en moins crétin, justement) que de la violence de Severance sauce cartoon. Y’a
eu des trucs comme Shadow Hearts, Dead Space, Bioshock, Prey (qui aurait du
sortir dans ma période chérie si le temps de développement n’en avait pas fait
un vaporware pendant plus d’une demie-décennie), mais rien ne m’a mis aussi mal
à l’aise que de voir les âmes arrachées à leur corps dans les rituels de
Sacrifice… Pour le reste, c’est des suites qui sont nées à cette époque :
GTA, Half-Life, Deus Ex, Diablo, Starcraft, Max Payne, Disciples, Gothic et
tout le bouzin. Après je ne dis pas que ce sont de mauvais jeux, mais
pourquoi ?
Pourquoi, au moment du passage à
la 3D (même si certains des jeux cités sont encore en 2D, souvent isométrique
d’ailleurs), un tel engouement sur le gore, le malsain, bizarre, le barré,
toussa toussa ?
Je ne sais pas. Ces années-là
étaient en même temps un tel foisonnement que fatalement, il devait y avoir des
trucs de ce genre qui sortaient. Mais autant ? Pourquoi autant ?
Et surtout, pourquoi le creux énorme qui a suivi dans la new-gen et le début de la next-gen, si pauvres en nouveautés foisonnantes et surprenantes par rapport à la période précédente. La, ils ont l’air d’être en train de se réveiller. Ces deux/trois dernières années, la diversité est en très nette augmentation, merci aux indés. Mais pas que. Un survival horror dans l’espace ? J’en avais pas vu depuis Martian Gothic. Un RPG occidental de Space opera ? J’en avais plus vu depuis Anachronox (qui étais d’ailleurs le seul que je connaissais ; Harbringer et Space Siege sont des hack’n’slash ET des daubes, donc c’est pas la peine de les compter). Un RPG qui remet en scène des factions qui ne sont ni bonnes ni mauvaises ? Qui parle de racisme, de crise économique, de vraie épidémie (lol Nerverwinter Nights. Genre il y a un scénario) ? Hum… Ca rappelle aux bons souvenirs d’Arcanum, de Planescape et de Fallout, tout ça…
Mais je ne sais pas… il reste quand même quelques relents de politiquement correct qu’on ne retrouvait pas forcément à l’époque. Vous imaginez un RPG simplement déconseillé aux moins de douze ans (les normes PEGI n’existaient pas à l’époque) où on peut devenir une star du X, on peut se marrier (y compris un mariage homosexuel, doux Jésus Marie Joseph) et forcer son conjoint faire le tapin, où il y a tout un tas de relations à la drogue, une parodie de l’Eglise de Scientologie ? Ouais hein… Aujourd’hui on a un FPS avec une scène dans un aéroport censurée dans certains pays où des otages se font flinguer, mais où on ne peut rien faire de particulier alors que l’idéal aurait été de construire un scénario à embranchements à partir de là (participer à la fusillade ; ne pas participer ; s’opposer aux terroristes et foutre sa couverture en l’air, etc.)
Je crois que le plus marquant se trouve dans les hack’n’slash. Pour le profane, on choisit un personnage pour une histoire en carton-pâte, et on va casser du monstre. Plein. Beaucoup. L’intérêt de ce genre de jeu, c’est la montée en puissance, l’action rapide, et le loot (euh, l’équipement qu’on récupère sur les dépouilles). Et pour les gus dans mon genre l’univers dans lequel on évolue, aussi. Dans le monstre sacré (Diablo, donc), y’a des cadavres éventrés sur des tables de torture, des explosions sanglantes, tout le tintouin. C’est en vue 2D isométrique, donc ça créée un éloignement, mais c’est assez gore. Et bien, dans les successeurs (de Dungeon Siege à Silverfall en passant par Sacred et Loki) tout cet aspect sanglant a disparu. Dans Titan Quest, pas une seule goutte de sang malgré les milliers de bestioles défouraillées sur la route. Le seul Hack’n’slash récent que j’ai vu faire ça était Torchlight, qui malgré son look cartoon wowesque sur les bords est le H’n’S le plus sanglant que j’aie vu depuis Diablo 2.
Même son de cloche chez les jeux
d’action-aventure et beat’em all affiliés : même le barbare God of War,
avec ses QTE sanglantes et brutales (arracher des ailes, crever un œil de
cyclope, tout un tas de finishing moves aussi jouissifs que violents)
n’arrivent pas au niveau de sensation qu’on a dans Severance à trancher un
membre, ranger son arme, ramasser le membre tranché et tabasser les ennemis
restants au moyen d’icelui. Pourtant les sabres laser ça tranche tout net,
hein ? Jedi Knight, quelqu’un ? Force Unleashed ? Mais non, ça
risque de salir le tapis, et les enfants, vous comprenez : si on fait un
blockbuster d’une licence aussi fondamentale, on peut pas en rompre les codes
de bon enfant(illage). Au niveau des séries qui existent encore aujourd’hui,
Prince of Persia est assez marquant : dans le premier volume on pourfend,
on saigne ses tripes, on se fait transpercer de partout, on se fait broyer,
découper en morceaux, et dans les derniers (oui, bah Les Sables Oubliés c’est
le huitième mon petit), on cogne dans du sable (okay, là c’est normal que ça
saigne pas, je passe) mais on ne saigne pas quand on se fait trancher,
WTF ? Même son de cloche côté FPS avec Half-Life, il n’y a pour ainsi dire
plus de jus de myrtille qui jaillit quand on perfore du combine soldier.
Heureusement y’a eu Condemned.
En revanche, Fairy Fights, Madworld et Dead
Space.
Encore une fois, je dérive. Je
suis parti de l’âge d’or du dark/glauqe/bizarre pour en arriver sur l’évolution
du sang dans le jeu vidéo. D’ailleurs, truc amusant, en Allemagne, le sang est
vert.
En fait, chose que j’ai cru remarquer
cet après-midi, on fonctionne par périodes. Enfin, je veux dire, les 98/01
(avant je sais pas j’étais pas là, et c’est dur de juger après à cause des
innombrables jeux sombrés dans l’oubli) c’était le cyber, le dark, le glauque,
moribond, décalé, bizarroïde. La période d’après, sur la vague Seigneur des
Potter était Heroic Fantasy, y’a eu un genre de piétinement exploration pendant
peut-être un an et demi, et maintenant, place au post-apocalyptique :
annoncés par des merdes (Shadow Vault, Metalheart) et du moyen sympa (The
Fall : Lasy Days of Gaïa) et du très bon (Half-Life² ; ben oui mon
petit, la Terre est tombée sous le joug d’extraterrestres qui la réduisent à peau de chagrin)
maintenant c’est fuckfest : Borderlands, Oblivion 40000 Fallout 3 (dix
ans entre le 2 et le 3 quand même, après crapahutage de la licence, un 3
avorté, etc.), et maintenant Stalker, Metro 2033, Rage, et tous les autres.
Bon après faut pas généraliser
non plus, dans l’interrègne de la new-gen, il y a eu pas mal de FPS et RTS deuxième
guerre mondiale, mais sur PC, une fois que tu ne voulais ni de
Résultat, une saturation de jeux oubliés et de suites, mais surtout l’émergence des éditeurs de niveaux. Ca existait déjà avant (cf le célèbre Counter-Strike, c’était un mod à la base. Gunman Chronicles aurait du le rester, même s’il était sympa. Hum !), mais ça ça a commencé à poussé comme une armée de champignons en folie à la charnière entre la new-gen et la newt-gen. Même quand le jeu n’était pas modable en interne, on trouvait du contenu additionnel non officiel sur le net.
New ? Newt ?
Next ? Toi, n00b, je te sens perdu. Petit encart historique. Dans la belle
histoire des jeux vidéo, il y a eu les années 90. La Snes vs la Mega-Drive, avec quelques outsiders oubliés. Puis la Playstation qui a écrasé la N64 et surtout la Saturn, puis la PS2 qui dominait le marché comme jamais console ne l'a fait, en laissant des miettes à la Xboxpénis bit. 8bits =
Nes et Master
System, 16bits = Snes et Megadrive, et pour la N64, devinez tous seuls,
z’êtes pas si stupides.
Bref.
Personnellement, j’ai tendance à
associer l’émergence des indés au développement d’internet et au foisonnement des
mods.
1°) Déjà parce que c’est un bon
outil d’apprentissage, ensuite parce que RPG maker existait déjà, mais il était
très insuffisant (ou horriblement compliqué) dès qu’on voulait faire quelque
chose d'autre qu'une zone avec des combats aléatoires. Rappelez-vous, quelques éditeurs de jeux étaient sortis il y a
longtemps, faisant croire au chaland qu’il allait rivaliser avec les grandes
productions en deux temps trois mouvements. Sans connaître le Dark Basic sur le
bout des doigts.
2°) Parce qu’un mod peut
complètement relancer l’intérêt d’un jeu (regardez les TES ou même un bon vieux
Baldur’s Gate) voire carrément constituer un nouveau jeu (genre les mods
Babylon 5 de Nexus par exemple, ou mieux encore, un mod de Farcry que le transformait
en Myst-like, ou encore le mod Eclipse d’Half-Life²)
3°) Ensuite, au niveau du net,
parce que le développement des connexions a permis l’explosion des jeux flash
(me regardez pas comme ça genre je sais pas ce que c’est vous avez tous dégommé
un manchot en lui donnant des coups de massue). Sauf que le flash ne sert pas
qu’à faire des petits jeux à la con, il a produit de vrais chefs-d’œuvres pour
quelques dizaines de milliers de dollars (Samorost, QuantZ, Aquaria dont je
suis présentement en train d’écouter la
BO puisque ma vie te fascine, petit sakakakophile, etc.).
Seulement y’a fallu que ça macère pendant le « creux » de la new-gen
qui a mon sens correspond plutôt à une période de macération. Si vous doutez de
la vitalité de la scène indépendante, faites un tour sur Steam et regardez les
jeux à moins de 20$. Ou de 15€.
Seulement pour ça, il a fallu que la vente dématérialisée fasse son petit bonhomme de chemin dans la tête des utilisateurs. Rappelez-vous, qui parmi-vous a acclamé Steam à sa sortie en 2004 (en même temps à l’époque c’était une putain d’usine à gaz) ? Combien d’entre nous ont hurlé au scandale à l’idée de devoir activer un jeu sur le net pour pouvoir en faire la campagne solo ? Pourtant regardez maintenant. Entre Steam, Gametap, GoG et tous les autres pourvoyeurs de dématérialisé, c’est la course parce que le dématérialisé fait recette maintenant que les débits internet le permettent. Et je parle même pas du Xboxlive, du PSN ou du Wiistore. Et là-dedans, les indés peuvent se faire un nids et un nom, parce qu’ils n’ont pas besoin de toute la logistique financière pour faire une sortie boîte.
Et comme il coûtent moins cher, ils peuvent se permettre une prise de risque plus élevée (bon l’éditeur de Bioshock était sur et certain que le jeu allait se planter, donc il leur a dit « ok lâchez-vous les gars. Un blockbuster d’auteur ça compte pas », et mécaniquement, ce plus de diversité a attiré l’attention. Comme ça marchait bien pour les bons jeux (parce que faut pas croire, hein… c’est pas parce que c’est indé que c’est bien. Cela dit l’impossibilité d’entuber le chaland par un roulage de mécanique numériques et une pléthore d’effet a tendance à lever le niveau vers le haut) qui se permettaient d’explorer de nouveaux concepts de narration (World of Goo et Braid, par exemple).
Et quand un décideur voit un créatif* qui a des idées qui fonctionnent quand on le laisse complètement s’exprimer, notre décideur aurait tendance à le laisser faire parce que le souci principal du bonhomme, c’est de rentabiliser l’investissement, rien d’autre. C’est pas une histoire de destruction de la créativité, c’est une histoire de rentabilité parce que de la rentabilité d’un produit dépend la santé de son entreprise, donc de la stabilité de l’emploi des gens qui en vivent. C’est aussi simple que ça.
Oui ça finit en queue de poisson. Et alors ?
* Je tiens toutefois à préciser une chose. Un programmeur n’est pas qu’un technicien. C’est un créatif. Un chef de projet n’est pas qu’un administratif. C’est un créatif. Et un Game Designer est un technicien et un amalgameur.